Phil Goyette se souvient de son échange aux Rangers

Les funérailles de Butch Bouchard m’ont permis de renouer avec plusieurs anciens membres du Canadien, dont Phil Goyette, un joueur de centre qui a évolué dans l’ombre de Jean Béliveau et d’Henri Richard avant de connaître beaucoup de succès dans l’uniforme des Rangers de New York et des Blues de Saint-Louis.

Phil Goyette

Phil Goyette a gagné quatre coupes Stanley avec le Canadien avant d'aller jouer à New York, Saint-Louis et Buffalo. Il a été échangé aux Rangers en compagnie de Jacques Plante en 1963.

De tous les athlètes que j’ai côtoyés durant ma carrière, Phil est sûrement un des plus sympathiques. Il est toujours de bonne humeur et il a toujours des choses intéressantes à raconter.

Natif de Lachine, il a passé 16 ans dans Ligue nationale après avoir fait ses classes avec le National Junior, les Mohawks de Cincinnati et le Royal Senior. Il était reconnu pour son intelligence sur la patinoire et ses passes savantes.

«Je l’appelle «Soft Hands» parce que j’ai rarement vu un joueur de hockey avec d’aussi bonnes mains, déclare Serge Savard. Phil n’a pas toujours reçu les éloges qu’il méritait».

ÉCHANGÉ AVEC JACQUES PLANTE

Goyette était avec le Canadien depuis six ou sept ans quand il a été échangé aux Rangers de New York en compagnie de Jacques Plante et de Don Marshall en 1963. En retour de ces trois joueurs établis, le Tricolore a obtenu Gump Worsley, Dave Balon, Léon Rochefort et Len Ronson.

«C’est un échange qui a fait beaucoup de bruit parce que Jacques Plante était alors le meilleur gardien de but de la Ligue nationale, rappelle Goyette. Ça me faisait de la peine de quitter Montréal, mais cette transaction a été bonne pour la suite de ma carrière. Les Rangers m’ont accordé plus de temps de glace et j’ai pu me faufiler parmi les meilleurs de ma profession».

Goyette a connu sa meilleure campagne avec les Blues de Saint-Louis en 1969-70. Il a terminé au quatrième rang des marqueurs, derrière Bobby Orr, Phil Esposito et Stan Mikita. Il a aussi mérité le trophée Lady Bing pour son comportement exemplaire sur la patinoire.

«Ça ne donne rien de regarder en arrière et de dire que le hockey était meilleur dans mon temps, ajoute-t-il. Tout était tellement différent. Avant la première expansion, on jouait 14 fois contre chaque équipe en saison régulière et ça favorisait les rivalités. Au printemps, seulement les quatre meilleurs clubs participaient aux séries de championnat. Nous connaissions très bien chacun de nos rivaux.

«J’ai eu la chance et le bonheur de gagner quatre coupes d’affilée avec une équipe extraordinaire. En 1960, nous avons balayé nos huit parties contre Chicago et Toronto. Nous avions trois trios capables de marquer des buts, Doug Harvey à la ligne bleue et Jacques Plante devant le filet. C’était le bon temps. On gagnait tout le temps et on était comme des frères».

Les séries de championnat ne s’éternisaient pas jusqu’au mois de juin. Durant la deuxième ou la troisième semaine d’avril, on connaissait les champions. Les joueurs profitaient ensuite de quatre ou cinq mois de congé avant de reprendre le collier, parfois avec quelques livres en trop.

Goyette se rappelle d’un match contre Détroit au cours duquel il a réussi le tour du chapeau. Maurice Richard a marqué deux fois ce soir-là et on lui a décerné la première étoile. Après le match, le Rocket est allé voir Goyette pour s’excuser. Il n’avait pourtant rien à voir avec le choix des étoiles.

En 1972, Goyette est devenu le premier entraîneur des Islanders de New York. Il n’avait presque rien entre les mains et il a dû céder sa place à Earl Ingerfield au bout de quelques mois. L’année suivante, Alger Arbour a hérité du poste et il a transformé peu à peu les Islanders en équipe gagnante grâce à d’excellents choix de repêchage (Potvin, Bossy, Trottier, Nystrom, Gillies et cie).

Goyette est rentré à Montréal et il a travaillé durant de nombreuses années pour une agence douanière. Il a aussi porté les couleurs des Anciens Canadiens aux quatre coins du pays. Il aura 79 ans cet automne, mais on ne lui donnerait jamais son âge. C’est toujours un plaisir de le revoir sur un terrain de golf ou au salon des Anciens Canadiens.

Bergevin: le début d’un temps nouveau

Les fleurs fusent de partout pour le nouveau directeur général du Canadien et elles semblent méritées. Qu’il profite pleinement de sa lune de miel!

On aime le franc-parler de Marc Bergevin, son attitude, son enthousiasme et sa façon de voir les choses. C’est un vent de fraîcheur qui souffle sur le Centre Bell. Comme le chantait si bien Renée Claude, c’est le début d’un temps nouveau. La terre est à l’année zéro et les partisans du Canadien peuvent espérer des jours meilleurs après une chute en enfer avec Pierre Gauthier et Bob Gainey.

Lucien Deblois

Lucien Deblois, qu'on voit ici en compagnie de Stéphane Richer, est d'avis que le Canadien serait fou de ne pas surveiller ce qui se passe dans sa cour.

«Sa nomination ne me surprend pas tellement, déclare Lucien Deblois, recruteur pour les Canucks de Vancouver. Je savais qu’il était parmi les plus sérieux candidats. Marc est une bonne personne, un gars intelligent qui a roulé sa bosse dans le hockey. Une de ses premières décisions est de vouloir attacher une plus grande importance aux joueurs de la Ligue Junior Majeure du Québec. Cette ligue a été dénigrée injustement car ses champions font belle figure au tournoi de la coupe Memorial. Le Canadien serait fou de ne pas surveiller ce qui se passe dans sa cour».

Guy Carbonneau, qui rêve d’un retour dans la Ligue nationale, est d’avis que le Canadien a embauché un homme qui a beaucoup de vécu et qui sait ce qu’il faut faire pour bâtir une équipe gagnante.

Mario Tremblay, parfaitement heureux dans le monde des communications, considère Bergevin comme un leader avec des idées nouvelles. Il pense que son ami Carbo ou Vincent Damphousse auraient été en mesure de relever un tel défi, mais il souhaite bonne chance à l’heureux élu.

DU FLAIR POUR LES JEUNES

Depuis Chicago, Stéphane Waite applaudit la nomination de son ex-compagnon de travail. Selon lui, il était le meilleur candidat en lice.

«Marc a de l’expérience et du flair, a-t-il confié à Mathias Brunet. Il est capable d’évaluer un jeune joueur, de savoir s’il fera carrière ou non dans la Ligue nationale».

Ian Laperrière, des Flyers, considère qu’il est primordial d’être bon communicateur dans le hockey d’aujourd’hui. C’est une qualité que ne possédaient pas Pierre Gauthier et Bob Gainey. Il ajoute que Bergevin est un travailleur infatiguable et qu’il ne craint pas de se rendre dans les arénas pour analyser les jeunes joueurs.

Geoff Molson et Serge Savard sont convaincus d’avoir choisi le bon homme et le temps nous dira s’ils ont raison. Bergevin les a suffisamment impressionnés pour obtenir un contrat de cinq ans.

ROY, VIGNEAULT OU HARTLEY?

Une des premières missions de Bergevin sera d’embaucher un entraîneur capable de soutirer le meilleur de ses joueurs. Un gars qui a de la poigne, mais qui sait également discuter avec ses ouailles quand ça ne tourne pas rond.

Certains de mes confrères sont persuadés que Bergevin fera fausse route s’il ne confie pas le poste à Patrick Roy, un gagnant qui aurait encore le CH tatoué sur le coeur. «Casseau» ne laisse personne indifférent. On l’aime ou on le déteste, comme Michel Bergeron. Il est parfois trop impétueux, mais la pression ne lui fait pas peur.

Il existe aussi la possibilité qu’Alain Vigneault soit libéré par les Canucks même s’il a connu de grands succès à Vancouver durant les six dernières années. Il a travaillé sous les ordres de Serge Savard à l’Ile-du-Prince-Édouard et ce dernier lui voue le plus grand respect. Il ne fait pas de doute que Vigneault est aujourd’hui un meilleur entraîneur qu’à l’époque où Réjean Houle lui a confié des équipes très ordinaires.

Il faut aussi penser à Bob Hartley, d’Hawkesbury, qui vient de conduire les Lions de Zurich au championnat de la Ligue nationale de Suisse. Bob a connu du succès partout où il est passé et il aimerait sûrement tenter sa chance derrière le banc du Canadien.

L’important pour Bergevin est de choisir un homme avec lequel il pourra bien s’entendre. C’est essentiel. Dites-vous aussi que le prochain coach devra s’armer de patience parce que le Canadien a plusieurs lacunes à combler avant de devenir une puissance de la Ligue nationale.

Bergevin ne veut pas parler du passé ou de ses prédécesseurs. Il se tourne résolument vers l’avenir. C’est la meilleure façon de procéder. Pour l’instant, toute la province est derrière lui.

Bergevin en a dit juste assez

Marc Bergevin semblait nerveux au départ, mais il a vite retrouvé son aplomb et il a répondu aux questions des journalistes comme un vrai pro.

Ce n’est pas tous les jours qu’un homme quitte l’anonymat pour devenir le patron hockey du Canadien de Montréal. L’ex-défenseur de 46 ans était visiblement «fier et ému» de vivre une si belle journée dans la ville où il a grandi.

Marc Bergevin

Marc Bergevin s'est bien défendu face à la mitraille des journalistes. Il est visiblement fier et ému de sa nomination comme directeur général du Canadien.

Il a affiché une belle assurance quand il a déclaré: «Je suis sûr que je suis prêt à relever ce défi. Je n’étais pas le meilleur joueur de mon équipe, mais j’étais capable de faire ma part. Nous allons travailler tous ensemble pour bâtir une équipe gagnante, une équipe dont les partisans seront fiers».

Bergevin est encore capable de patiner, au sens propre comme au sens figuré. Il a su éviter les questions un peu trop gênantes en expliquant qu’il en était à sa toute première journée avec le Canadien et qu’il avait besoin de temps pour analyser plusieurs choses avant de se prononcer.

Il a fait plaisir à beaucoup de monde quand il a dit qu’il allait accorder une attention particulière au talent québécois et qu’il allait choisir quelques recruteurs pour épier les meilleurs joueurs de la LHJMQ. Durant le règne Gainey-Gauthier, ce fut une grande lacune.

Interrogé au sujet du prochain entraîneur du Canadien, il a laissé entendre qu’il voulait embaucher un homme dans le style de Joel Quenneville, des Blackhawks. Un gars capable d’imposer le respect et d’écouter ce que ses joueurs ont à dire. Un homme rigide qui peut aussi s’adapter aux différentes situations.

Voici les autres points que j’ai retenus:

  • CAREY PRICE et P.K. SUBBAN sont deux jeunes joueurs de talent. Ils font partie du noyau de l’équipe et on leur accordera une attention particulière.
  • SCOTT GOMEZ est un gros morceau du casse-tête à cause de son contrat ridicule, mais Bergevin ne sait pas encore comment il abordera cette épineuse question.
  • C’est le prochain entraîneur qui décidera du sort de RANDY CUNNEYWORTH.
  • Il n’y a pas d’échancier pour trouver le nouveau coach, mais le plus tôt sera le mieux.
  • C’est DALE TALLON qui lui a ouvert la porte à Chicago et il lui en est reconnaissant.
  • Concernant la prochaine séance de REPÊCHAGE, il est ouvert à toutes les options. Par contre, pas question de faire graduer un jeune joueur s’il n’est pas prêt à évoluer dans la LNH.
  • TREVOR TIMMINS sera à ses côtés à la séance de repêchage du mois de juin.
  • GEOFF MOLSON apprécie le fait que Bergevin a fait ses classes dans l’Association de l’Ouest. Ça lui donne une perspective différente. Il considère son embauche comme la décision la plus importante depuis qu’il occupe le poste de président.
  • LARRY CARRIÈRE est un homme respecté dans le hockey et il aura sa place dans l’organisation.
  • Communiquer, c’est aussi ÉCOUTER et s’informer avant de prendre une décision.

Savard: «Le Canadien a un bon homme entre les mains»

Serge Savard et Geoff Molson sont persuadés d’avoir choisi le bon homme pour relancer le Canadien après un très long purgatoire.

«Nous avons rencontré d’autres candidats, mais Marc Bergevin a pris la pôle assez rapidement, a déclaré Serge Savard lorsque nous l’avons joint à sa résidence d’Hilton Head. Je l’ai aimé dès le départ. Il possède un très bon jugement et il a bien répondu à toutes nos questions. Je pense que le Canadien a un très bon homme entre les mains».

Serge Savard

Serge Savard n'a que de bons mots pour le nouveau directeur général du Canadien. «C'est un gros travaillant et il possède un très bon jugement, dit-il. Le Canadien a un bon homme entre les mains».

Savard et Molson ont eu deux longues réunions avant le nouveau patron hockey de la «Sainte Flanelle». Il était 14h., lundi après-midi, lorsqu’ils ont arrêté leur choix sur l’ex-défenseur des Blackhawks, des Blues et du Lightning de Tampa Bay. Lundi soir, Geoff Molson a soupé avec Bergevin pour discuter de contrat. C’est finalement mardi soir que Bergevin a accepté l’offre de son nouveau patron, devenant ainsi le 17e directeur général de l’organisation du Canadien.

«Marc est un gros travaillant, ajoute Savard. Il a joué dans la Ligue nationale pendant 20 ans et il a fait ses classes à tous les niveaux. Il est aussi capable d’écouter les autres avant de se faire une idée».

Quelques minutes après la conférence de presse du Canadien à Brossard, Geoff Molson a déclaré sur les ondes de RDS qu’il avait fait bon ménage avec Serge Savard durant le processus de sélection, puis il a ajouté: «Nous avons passé beaucoup de temps ensemble. Serge peut encore amener beaucoup de choses à cette organisation. J’aimerais le garder pas trop loin de moi».

Qu’en pense le principal intéressé? «J’ai aimé participer au processus de sélection, répond-il. Cela a été très intéressant, surtout quand tu vois le résultat final. Je ne connaissais pas Geoff Molson intimement, mais nous avons appris à nous connaître. Je l’ai trouvé très bien. Il écoutait tout ce que j’avais à raconter. Je ne peux pas en dire beaucoup plus pour le moment. Je ne sais pas ce qu’il a en tête (à mon sujet). On verra».

À 66 ans, le grand Serge profite d’une semi-retraite bien méritée. Il obtient beaucoup de succès dans le monde de l’immobilier avec ses associés Bernard Thibault et Mario Messier. Il sera sûrement tenté de dire oui si Geoff Molson lui offre un poste de conseiller spécial. Comme disent les Anglais, «time will tell».