Tiger: «J’ai passé la moitié de ma vie à Augusta»

AUGUSTA, Georgie— Il suffit de mentionner le nom de Tiger Woods et la salle d’entrevue devient trop petite pour accueillir tout le monde.

Une dizaine de jours après avoir gagné le tournoi de son ami Arnold Palmer à Orlando, Tiger n’a qu’une idée en tête cette semaine: ajouter un cinquième veston vert à sa collection.

Tiger Woods

Tiger Woods respire la confiance après sa victoire au tournoi de son ami Arnold Palmer.

Si on se fie aux preneurs aux livres de Las Vegas, il est favori à 4 contre 1 pour remporter la victoire. Il est suivi par le jeune Rory McIlroy (5 contre 1) et Phil Mickelson (8 contre 1). Son dernier triomphe ici remonte à 2005. Il avait alors battu le coriace Chris DiMarco en prolongation.

«Ce sera la 18e fois que je participe au tournoi des Maîtres, a dit Woods. Cela signifie que j’ai passé la moitié de ma vie à Augusta. Je me sens chez moi sur ce parcours et je sais ce qu’il faut faire pour gagner. J’ai travaillé fort pour retrouver la forme et je suis prêt à faire feu.

«J’aime beaucoup le veston vert et c’est pour cette raison que je suis ici, a-t-il ajouté. En l’emportant, je rejoindrais Jack Nicklaus pour le nombre de victoires (73) en carrière, mais c’est secondaire. Ce qui importe à mes yeux, c’est de gagner le Masters».

Tiger est d’avis que la connaissance du parcours est particulièrement importante à Augusta. «C’est pour cette raison que les vétérans sont capables de se maintenir parmi les meneurs, dit-il. En 1995, j’ai eu la chance de jouer une ronde de pratique avec Jack Nicklaus et Arnold Palmer et j’ai passé la journée à les interroger. Qu’est-ce qu’on fait sur ce trou? Comment attaquer tel ou tel fanion? Ils m’ont peut-être trouvé fatigant, mais ils ont répondu à toutes mes questions. Quand je peux aider un jeune joueur, j’en fais autant. Il ne faut pas en faire un secret, bien au contraire. Il faut plutôt que ces connaissances soient transmises de génération en génération. C’est la beauté du Masters».

«Comment faire pour gagner ce tournoi? C’est très simple, il suffit de toujours frapper la balle près du fanion! Sérieusement, il faut éviter les «trois putts» et être capable de caler les roulés de 10 pieds pour sauver la normale. Ces verts sont si rapides et tellement ondulés.

DE BONS MOTS POUR RORY

Comme il fallait s’y attendre, Woods a eu quelques bons mots pour le jeune Rory McIlroy, le joueur le plus susceptible de lui succéder au firmament du golf.

«J’ai été impressionné par sa victoire dans l’Open des Etats-Unis l’été passé, a-t-il dit. Il a connu une mauvaise fin de tournoi à Augusta, mais il est revenu plus fort. Je ne le connaissais pas avant le tournoi d’Abu Dhabi. Nous avons joué deux ou trois fois ensemble et nous avons discuté un peu.

«Il me rappelle mes débuts sur le grand circuit. Il frappe la balle le plus loin possible et il est un solide bagarreur. Je pense qu’il a tous les atouts pour devenir un grand champion et le rester longtemps. Chaque fois qu’il participe à un tournoi, il termine parmi les 10 meilleurs. Ça ne ment pas».

Pas une seule petite question sur le livre de Hank Haney. De toute façon, Tiger n’aurait rien dit à ce sujet.

SOUS LES GRANDS PINS

  • TIGER WOODS jouera ses deux premières rondes avec Miguel Angel Jimenez, l’homme au cigare, et le Coréen Sang-Moon Bae, trois fois champion sur le circuit asiatique en 2011.
  • RORY McILROY sera jumelé à l’Argentin Angel Cabrera, champion en 2009, et au gaucher Bubba Watson.
  • PHIL MICKELSON prendra le départ avec Hunter Mahan, vainqueur à Houston, et le Suédois Peter Hanson.
  • Le Canadien MIKE WEIR, négligé à 250 contre 1, formera un trio avec Brandt Snedeker et Webb Simpson.
  • Le numéro un mondial LUKE DONALD prendra le départ avec l’Italien Frencesco Molinaro et le Californien Nick Watney.
  • Le trio de LEE WESTWOOD, Vijay Singh et Jim Furyk devrait attirer beaucoup de specteurs. Même chose pour celui formé de FRED COUPLES, Darren Clarke et Ryo Ishikawa.
  • Le long frappeur DUSTIN JOHNSON s’est retiré du tournoi. On ne connaît pas encore la nature exacte de sa blessure.
  • On a modifié quelque peu le 8e et le 16e vert. Les joueurs devront attaquer la cible différemment.
  • Mon ami GHISLAIN ARSENAULT, du Village olympique, est toujours aussi rusé. Il choisit Tiger et le jeune McIlroy et me laisse tous les autres!
  • DAVE PERKINS, du Toronto Star, n’en revient pas de voir le Canadien derrière les Maple Leafs. «Au moins, vous avez un bon gardien de but, ce qui n’est pas le cas à Toronto», ajoute-t-il.

N.B. Ces reportages en direct du club Augusta National sont rendus possibles grâce à ces généreux commanditaires: TRANSPORT ALEXCALIBUR, Portes & Fenêtres Concerto, Barwood-Pilon, Granite Lacroix et Les Anciens de la Ligue Dépression.

McIlroy refuse de se comparer à Tiger Woods

AUGUSTA, Georgie— Rory McIlroy a le sourire d’un adolescent, les jambes et les épaules d’un jeune homme de 22 ans et une très bonne tête sur les épaules.

Le golfeur d’Irlande du Nord, dauphin de Darren Clarke et de Padraig Harrington, était prêt à faire face aux nombreuses questions des journalistes mardi matin. Il a rempli sa mission à la perfection avant d’aller peaufiner son jeu dans le terrain d’exercice.

Rory McIlroy

Rory McIlroy a beaucoup appris de sa défaite à Augusta l'an passé.

«Il m’a fallu environ deux semaines pour digérer ma défaite de l’an dernier au tournoi des Maîtres, a-t-il dit d’entrée de jeu. De toute évidence, je n’étais pas encore prêt à gagner un tournoi majeur, mais j’ai beaucoup appris dans la défaite. Deux mois plus tard, j’ai eu la chance de me reprendre en gagnant l’Omnium des Etats-Unis. Il faut être dans sa bulle pour gagner un tournoi de cette envergure, mais il faut aussi être capable de relaxer et d’apprécier chaque moment. Le golf reste un jeu».

On se souviendra que McIlroy se dirigeait vers la victoire quand il a vu le ciel lui tomber sur la tête au 10e trou. Il a raté complètement son coup de départ et n’a jamais été capable de récupérer. Il a finalement joué une ronde de 80 et il a dû se contenter d’une égalité en 15e place.

«Aujourd’hui, je peux en rire, a-t-il ajouté. Après tout, ce n’est pas la fin du monde. Je ne savais pas qu’on pouvait frapper la balle si près de ces pavillons blancs!

«J’étais en Malaysie quelques jours plus tard lorsque j’ai reçu un coup de téléphone de Greg Norman. Il voulait me remonter le moral et cet appel m’a fait le plus grand bien. S’il y en a un qui a vécu des mésaventures à Augusta, c’est bien lui. Il savait exactement les sentiments qui m’habitaient. Je dois cependant préciser que je n’étais pas encore né lorsque Norman a connu des ennuis!»

EXERCICE D’HUMILITÉ

De nombreux journalistes souhaitent la naissance d’une grande rivalité entre Tiger Woods et le jeune McIlroy. Ils ont souhaité la même chose en 1999 lorsque Sergio Garcia s’est présenté à l’avant-scène, mais le duel n’a jamais eu lieu et Sergio est toujours en quête de son premier titre majeur.

On verra maintenant si McIlroy peut relever un aussi grand défi et si Tiger est capable de maintenir la cadence après avoir connu des ennuis de toutes sortes.

«J’apprécie tous les commentaires élogieux à mon endroit, mais je me fiche des pronostics des preneurs aux livres et je n’ai aucune envie de me comparer à Tiger Woods, a dit McIlroy. J’espère seulement être capable de suivre ses traces et de répéter quelques-uns des exploits qu’il a réussis durant les 15 dernières années. Ce gars-là a gagné l’Open des Etats-Unis sur une seule jambe (en 2008) et il est peut-être le meilleur golfeur de tous les temps.

«Tiger a traversé une période difficile durant les deux dernières années. Ça prend du temps pour se remettre d’une blessure à un genou. Les gens ont la mémoire courte et la critique facile. Il semble maintenant avoir retrouvé ses moyens et c’est une excellente nouvelle pour le monde du golf.

«Je suis optimiste parce que je pense être un bien meilleur golfeur que l’an passé. Je suis plus à l’aise et plus confiant avec mon «putter». J’ai aussi plus d’expérience dans mon sac. Mon seul objectif pour la semaine est de faire de mon mieux en espérant que ce soit suffisant pour tenir tête à un joueur de la trempe de Tiger. Mon jeu se porte bien et mon attitude est excellente, mais il y a loin de la coupe aux lèvres.

«Il y a plus de 90 joueurs ici et plusieurs d’entre eux se croient capables de remporter la victoire. Tout ce que je peux faire, c’est me concentrer sur ma propre partie. Je ne peux rien changer dans le jeu des autres», a-t-il conclu.

Ce jeune homme n’a pas fini de nous surprendre.

L’Express d’Augusta

En passant

  • AUGUSTA, Georgie—  Pour la première fois depuis 1993, le grand ERNIE ELS devra se contenter de regarder le tournoi des Maîtres à la télévision. Il a longtemps été parmi les favoris à Augusta, mais il aurait fallu que son nom figure parmi les 50 premiers au classement mondial pour être invité cette année. Certains auraient voulu qu’on lui accorde une exemption, mais il n’en aurait pas voulu de toute façon. C’est du moins ce qu’il dit. «Big Easy» prend de l’âge et il a des ennuis avec son FER DROIT. Peut-être qu’on ne le reverra jamais parmi l’élite mondiale.
  • Trente-cinq ans après sa première victoire au Masters, TOM WATSON a été honoré par le maire d’Augusta et les autorités municipales, lundi soir. En 1977, Watson a vaincu JACK NICKLAUS par deux coups pour mériter son premier veston vert. Trois mois plus tard, il l’a battu de nouveau dans un duel historique à Turnberry. C’était le début d’une grande rivalité entre le rouquin de Kansas City et le Golden Bear.

    Tom Watson

    Tom Watson, maintenant âgé de 62 ans, vit sur une ferme dans la région de Kansas City.

  • FURMAN BISHER, vétéran journaliste du Atlanta-Constitution, est mort il y a deux semaines à l’âge de 93 ans. CLAUDE RAYMOND l’a très bien connu quand il lançait pour les Braves. Bisher a couvert le tournoi des Maîtres 62 ans d’affilée et tout le monde aimait discuter avec lui des légendes du golf et du baseball. Il avait même interviewé SHOELESS JOE JACKSON au début de sa carrière. Pour honorer sa mémoire, les organisateurs du Masters ont placé un petit CHAPEAU JAUNE sur la banquette qu’il occupait dans la rangée C.
  • GARY PLAYER, qui a gagné 165 tournois à travers le monde, y compris neuf victoires dans les tournois majeurs, sera invité à frapper la première balle en compagnie de ses amis ARNOLD PALMER et JACK NICKLAUS, jeudi matin. Il s’occupera ensuite de noircir les calepins de notes des journalistes comme lui seul sait le faire.
  • JUDY RANKIN, ex-championne de la LPGA, est en deuil de son mari.
  • On prévoit du beau temps toute la semaine à Augusta, sauf vendredi où les chances de pluie sont d’environ 60 pour cent. Le mercure devrait varier entre 58 et 85 degrés Farenheit.
  • Les journalistes canadiens sont les invités de DIANE DUNLOP-HÉBERT, nouvelle présidente de l’Association royale de golf du Canada, ce soir, en banlieue d’Augusta.
  • DAVIS LOVE n’est pas parmi les inscrits. Il souffre d’une fracture à une côte.
  • CAROL VADNAIS rend visite à son ami SERGE SAVARD à Hilton Head cette semaine. Ils en profiteront pour regarder ensemble le tournoi des Maîtres après une longue randonnée en vélo le long de la plage!
  • Réponse au QUIZ de la semaine: RICHARD MARTIN est le seul membre de la French Connection à avoir connu une saison de 50 buts. Il a réussi l’exploit à deux reprises.
  • D’autres échos plus tard aujourd’hui.

Rien ne bat le Masters de 1986

CALABASH, Caroline du Nord— Après avoir franchi les montagnes du Vermont et de la Pennsylvanie, il est sage d’éviter New York et Washington en empruntant des routes moins achalandées que la 95.

Une dizaine d’heures après avoir quitté le Québec dans la neige, tu roules tout à coup dans la verte et apaisante campagne de la Virginie en écoutant chanter Raymond Berthiaume, Bobby Hachey, Roy Orbison, Oscar Thiffault et Renée Martel. Lorsque tu voyages à trois, il faut qu’il y en ait pour tous les goûts!

Le lendemain midi, tu te présentes au club Carolina National juste à temps pour respecter ton heure de départ. Tu t’installes en vitesse sur le premier tertre de départ et puis bonne chance.

Vous aurez deviné que je suis en route vers Augusta afin d’assister en chair en et os au tournoi des Maîtres. C’est un plaisir et un privilège qui dure depuis 10 ans. Quelque chose pour agacer mes amis golfeurs et meubler mes vieux jours.

Le Masters n’est pas un événement comme les autres. On ne se lasse jamais de le vivre, d’en parler et d’écrire sur le sujet. Il y a bien sûr la tradition, la beauté des lieux, Amen Corner, Phil, Tiger et le jeune McIlroy, la foule immense qui applaudit les magiciens de la PGA, mais aussi bien d’autres choses encore dont je vous entretiendrai durant les prochains jours.

L’autre soir, en pitonnant, je suis tombé par accident sur la victoire de Jack Nicklaus en 1986. Même si je connaissais l’histoire presque par coeur, j’en avais la chair de poule.

Jack Nicklaus

Jack Nicklaus détient le record de six victoires à Augusta et de 18 victoires dans les tournois majeurs.

Ce triomphe inattendu figure parmi les plus grands moments de l’histoire du sport. Quelques jours après avoir été dépeint dans un journal comme étant un golfeur «vieux et rouillé», Nicklaus a fait reculer l’horloge du temps et il a joué comme un dieu le dimanche après-midi pour rejoindre et devancer Seve Ballesteros et Greg Norman, les deux grands favoris pour gagner le tournoi.

On parlera encore longtemps de ses exploits sur le neuf de retour (eagle au 15e, birdies aux 16e et 17e trous), mais aussi des bévues de Ballesteros et de Norman en fin de journée.

Ballesteros était le Arnold Palmer des Européens et il n’avait pas son égal pour soulever la foule. Jusqu’à sa mort il s’est souvenu de son mauvais coup de fer 4 au 15e trou, lequel devait lui coûter la victoire.

En ce 13 avril 1986, on aurait dit que le scénario était écrit d’avance, que les dieux du golf s’étaient rangés une dernière fois du côté du Golden Bear. Quand il a vu Norman rater son dernier coup roulé sur le vert du 18e, Jack est sorti du Butler Cabin sous les cris et les applaudissements d’une foule en délire. À 46 ans, il vivait plus beau moment de sa carrière.

Trop souvent conspué parce qu’il avait osé mettre fin à la suprématie d’Arnold Palmer au milieu des années 1960, Nicklaus était finalement reconnu à sa juste valeur et ovationné à tout rompre par le grand public. C’était la consécration pour un homme qui a dominé son sport durant une vingtaine d’années.

Son fils Jackie traînait ses bâtons ce jour-là et cela rendait sa victoire doublement savoureuse. Le golf est un sport merveilleux, mais ça ne bat pas l’amour qui peut exister entre un père et son fils.

Meilleur golfeur de sa génération, Nicklaus est venu de nulle part pour inscrire sa sixième et dernière victoire à Augusta. C’était presque trop beau pour être vrai.

«Vous ne verrez jamais un plus beau Masters que celui-là», affirme Ken Venturi, ancien champion de la PGA et ex-analyste à la télé. Il a parfaitement raison.

N.B. Mes reportages en direct du club Augusta National seront rendus possibles grâce à la générosité de: PORTES & FENÊTRES CONCERTO (Jacques L’Estage), TRANSPORT ALEXCALIBUR (Alex André), GRANITE LACROIX DE LAVAL (Gilles Lacroix), BARWOOD-PILON (Robert Pilon) et LES ANCIENS DE LA LIGUE DÉPRESSION (Morris Duhaime). En votre nom, je les remercie du fond du coeur.