Lundi 13 à Augusta: rêve ou cauchemar?

FANCY GAP, Viriginie— Reculer l’horloge du temps est une chose impossible. Devenir champion en quelques heures également.

Lundi matin, après avoir épié les faits et gestes des magiciens de la PGA, j’ai enfilé mon plus beau chandail, coiffé ma casquette neuve et bouclé mes souliers du dimanche. J’ai ensuite fait laver ma vieille Lexus au «car wash» du coin avant de me présenter à la guérite numéro 3 du club Augusta National.

Avec la bénédiction du gardien de sécurité, Réal et moi avons grimpé Magnolia Lane en direction du club, comme si nous étions Ben Hogan, Sam Snead, Arnold Palmer ou Jordan Spieth. Par la grande porte, s’il vous plaît!

Réal Labbé et moi avant le départ du numéro 10 au club Augusta National.

Réal Labbé et moi avant le départ du trou numéro 10 au club Augusta National. Une expérience inoubliable.

Une fois rendus au pavillon, nous avons eu droit au traitement royal: le casier de Nick Faldo pour ranger nos cossins, petit déjeuner dans le salon des Champions et navette pour nous conduire au champ d’exercice où nous attendaient nos caddies et des piles de Titleist flambant neuves.

À 10h.50 pile, nous étions sur le premier tertre de départ pour la photo officielle avec nos partenaires de jeu: Keith Jackson, de Londres, et Ewan Murray, de quelque part en Écosse. Deux parfaits gentilhommes capables de cogner la longue balle.

Malgré mon enthousiasme, je savais exactement ce qui allait suivre. À mon âge vénérable, sur un parcours aussi long et accidenté, avec des verts aussi rapides que le capot d’une Jaguar, mes chances de succès étaient nulles. Comme en 2007.

J’étais là pour le plaisir de me frotter à un terrain qui fait rêver les golfeurs du monde entier et vivre une expérience inoubliable. Également pour apprécier encore davantage le talent des champions de la PGA qui jouent ce parcours sur une distance 7435 verges. Quand ils vous disent que ces gars-là sont bons (These guys are good), prenez ma parole. Ils ne sont pas bons, ils sont extraordinaires.

J’ai frappé plusieurs bons coups, d’autres absolument affreux, et j’ai joué du golf de rattrapage pendant quatre heures et demie. À Amen Corner, un des caddies m’a dit gentiment: «Il y a des journées où tu joues au golf, d’autres où du joues au flog».

Il avait raison. Lundi, j’ai joué au flog et le parcours de Bobby Jones m’a battu haut-la-main. Il m’a même humilié.

Après avoir franchi le pont Ben Hogan et complété le Golden Bell, je me suis présenté au départ du 13e trou, la normale cinq la plus photographiée de la planète. Après avoir réussi trois coups parfaits (pour moi), j’ai quand même réussi à quitter les lieux avec un misérable bogey et… le moral dans les talons.

Au 16e, plouc, plouc! Fin des émissions. Sous les grands pins de la Géorgie, j’ai alors pensé à Lucien Deblois qui, après une journée difficile à Marrakech, m’avait dit: «Rousseau, il y a trois millions de Chinois qui s’en crissent!»

Vous voulez savoir mon pointage? Je n’en ai pas. Deux fois, j’ai ramassé ma balle et je l’ai fourrée dans me poches. So what!

Après la partie, nous avons eu droit à un buffet dans la salle des trophées, puis nous avons fait une dernière visite à la boutique-souvenir, dit au revoir à Martha Wallace, responsable de la salle de presse, et quitté les lieux sur la pointe des pieds pour ne pas effrayer les dieux du golf.

J’aurais bien aimé vous raconter comment j’ai fait pour jouer 85 sur les terres de Bobby Jones, mais je me console en pensant que j’ai réalisé le rêve de mon frère, de mon fils, de plusieurs de mes amis et de millions d’amateurs de golf.

Déçu, oui. Malheureux? Jamais de la vie!