L’ours de Joliette et les gants du Rocket

Le tournoi annuel d’Alain Chalut à Saint-Jean-de-Matha m’a permis de renouer avec un de mes favoris: Marcel Bonin, ancien ailier droit du Canadien de Montréal.

Comme tous les joueurs de sa génération, l’ami Marcel prend de l’âge (il aura bientôt 83 ans) et il doit maintenant se déplacer à l’aide d’une canne, mais il n’a rien perdu de son enthousiasme et de sa bonhommie.

«J’ai gagné partout où j’ai joué au hockey, sauf à Boston, dit-il. J’aurais bien aimé que ma carrière dure plus longtemps, mais une sérieuse blessure au dos m’a poussé à la retraite plus tôt que prévu. Je suis quand même fier de ce que j’ai accompli».

Marcel Bonin a participé à quatre conquêtes de la coupe Stanley durant les années 1950.

Marcel Bonin a participé à quatre conquêtes de la coupe Stanley durant les années 1950.

Après avoir aidé les Red Wings à gagner la coupe Stanley en 1955, Bonin a joué brièvement à Boston, puis il a connu la gloire dans l’uniforme du Bleu Blanc Rouge, participant à trois autres conquêtes de la coupe avec les Maurice Richard, Jean Béliveau, Jacques Plante, Doug Harvey et cie.

«On fêtait chaque fois qu’on remportait la victoire et on gagnait tout le temps!», dit-il en blaguant. À l’époque, les joueurs étaient honteusement exploités par les propriétaires de la Ligue nationale. C’était donc très avantageux de gagner la coupe Stanley pour aller chercher une prime additionnelle.

Une force de la nature

Originaire de Joliette, Bonin mesurait à peine cinq pieds sept pouces et faisait osciller la balance à 175 livres. Il n’était donc pas imposant, mais il était bâti en «corde de broche» et fort comme un cheval.

À l’âge de 17 ans, un cirque est passé dans son village et il a osé grimper dans l’arène pour affronter un ours, ce qui lui a valu le sobriquet d’ours de Joliette. L’arbitre du combat était nul autre que le légendaire Joe Louis, ex-champion mondial des poids lourds.

Dites-moi, en connaissez-vous beaucoup des hommes qui se sont battus contre un ours avec Joe Louis comme arbitre?

Sur la patinoire, Bonin ne craignait pas de bousculer l’adversaire, de foncer dans les coins et de jeter les gants lorsque cela était nécessaire. C’est sa fougue et sa détermination qui lui ont permis de se faire un nom à Trois-Rivières, à Québec et à Edmonton avant de faire carrière dans la LNH.

Au printemps 1959, Bonin a connu son heure de gloire dans l’uniforme du Canadien. Après avoir emprunté les gants de Maurice Richard (alors blessé), il a marqué 10 buts en 15 parties pour devenir le héros des séries. Il aurait sans doute mérité le Conn Smythe, mais ce trophée n’existait pas encore.

«Si j’avais emprunté le jockstrap du Rocket, peut-être que j’aurais eu une plus grosse famille!», dit Bonin, père de quatre enfants, en riant de bon coeur.

Une fois à la retraite, il a été policier à Joliette, puis responsable de la sécurité dans une école. Il n’a jamais été riche, mais il a vu à ce que ses enfants soient bien instruits et fassent leur chemin dans la vie. Ils ont tous réussi.

Par deux fois, il est venu à un cheveu de la mort, mais son heure n’avait pas encore sonné. Depuis le décès de sa chère Simone, il vit dans une maison pour personnes âgées à Joliette et il continue de s’intéresser à tout ce qui touche l’histoire avec un grand H.

Je n’oublierai jamais une entrevue que j’avais réalisée avec lui au Rustik de Châteauguay, quelque part dans les années 1980. Pendant que je lui posais mes questions, il s’amusait à mâchouiller son verre de vitre et à l’avaler!

Comme disent les Anglais, Marcel Bonin «is one of a kind».