Les voyous font la fête

La violence aide à vendre des billets dans les villes américaines. Les Flyers de Philadelphie en sont la plus belle preuve depuis plus de 40 ans et les Bruins de Boston ne sont pas tellement loin derrière.

Il ne faut donc pas trop s’étonner de voir ce qui se passe depuis le début des séries éliminatoires. Les voyous s’en donnent à coeur joie et les réprimandes ne sont pas suffisamment sévères pour les faire reculer. Au nom de l’intensité, on se tapoche à qui-mieux-mieux pour tout et pour rien. Au diable l’étiquette ou le simple respect de l’adversaire. Si l’intimidation peut nous aider à gagner, allons-y gaiment!

Aucun autre sport majeur ne permet à ses athlètes d’agir de la sorte et c’est pourquoi il y a tant de gens qui ne prennent pas le hockey au sérieux. Pourtant, lorsque la foire éclate, personne ne songe à quitter son siège pour aller s’acheter une bière ou un hot-dog. On veut voir qui est le plus fort parmi les matamores.

Sean Couturier

Dans cette vague de violence, Sean Couturier, des Flyers, a goûté à la médecine de James Neal, des Penguins.

Une ligue qui se respecte mettrait tout en oeuvre pour éliminer ce genre de comportement. On fait de beaux discours durant le calendrier régulier, mais ça ne rime à rien. Arrive la première ronde des séries et c’est le «free for all». Tant et si bien que le préfet de discipline Brendan Shanahan ne sait plus où donner de la tête.

Lundi soir, Benoît Brunet avait parfaitement raison de dire: «C’est inacceptable qu’un jeune joueur comme Sean Couturier se fasse blesser par James Neal sous prétexte qu’il est frustré de voir perdre son équipe. Couturier, c’est l’avenir de la ligue».

Aux quatre coins du circuit Bettman, on nous chante qu’il ne faut pas s’offusquer avec ces excès de violence, que c’est tout simplement du «playoff hockey».

Mario Tremblay, qui n’a jamais eu peur de laisser tomber les gants durant sa jeunesse, est d’avis qu’il faut s’armer pour aller à la guerre. «Si t’as pas des joueurs «tough» dans ton club, t’es mort et enterré», déclare l’ancien ailier droit du Canadien.

J’ai bien peur qu’il ait raison lui aussi. À la guerre comme à la guerre et vive les voyous!

 

 

Butch et le Rocket se sont battus pour 500$

«La mort de papa n’est pas une grande surprise. Toutefois, il n’est pas mort à la suite d’une longue maladie comme on l’a laissé entendre. Je dirai plutôt qu’il est mort à la suite d’une très longue vie», déclarait Pierre Bouchard, quelques heures après le décès de son père.

«Il s’est cassé une hanche il y a trois ans et il avait besoin de soins particuliers. Il vivait donc seul dans une résidence pour personnes âgées sur la Rive-Sud, mais il a été conscient jusqu’à la fin. Il regardait la télévision et lisait ses journaux pour avoir toutes les nouvelles».

Pierre et Butch Bouchard

Pierre Bouchard en compagnie de son illustre papa. Ils ont tous les deux porté fièrement les couleurs du Canadien. Ensemble, ils ont gagné neuf coupes Stanley.

Émile «Butch» Bouchard était le plus vieux capitaine du Canadien encore vivant. Des joueurs de son époque, il ne reste plus qu’Elmer Lach, fêté en même temps que lui lors des cérémonies du 100e anniversaire, et Bob Fillion, un ancien ailier droit qui fréquente souvent le salon des Anciens Canadiens.

On pense aussi à  Milt Schmidt, un ancien joueur étoile des Bruins qui vit toujours dans la région de Boston.

LES ÉTUDES D’ABORD

Pierre Bouchard a vu jouer son célèbre papa au début des années 1950, mais il était alors trop jeune pour s’en rappeler.

«J’allais souvent dans le vestiaire avec lui, précise-t-il. Tous les joueurs du Canadien étaient mes idoles, même Callum McKay! C’est évident que papa a été pour moi une source d’inspiration même s’il ne m’a jamais poussé à devenir joueur de hockey.

«Il insistait beaucoup sur les études, sans doute parce qu’il n’avait pas eu la chance de fréquenter l’école très longtemps. C’est ainsi que je me suis retrouvé au Collège Laval où j’ai commencé à jouer au hockey sous les ordres de Roland Bleau. Nous avions une très bonne équipe junior B. Tellement que quatre de nos joueurs (Marc Tardif, Pierre Jarry, Jean-Guy Lagacé et moi-même) ont fini par jouer dans la Ligue nationale».

Gros Pierre a ensuite porté les couleurs du National Junior et il a joué pour le Canadien Junior pendant deux ans avant d’être réclamé par le grand club. Il a plus tard connu une belle carrière avec le Tricolore et il a participé à cinq conquêtes de la coupe Stanley sous la gouverne d’Al MacNeil et de l’unique William (Scotty) Bowman.

LA GRÈVE AVEC LE ROCKET

Parfaitement conscient du fait que le hockey était un business et qu’il devait préparer son après-carrière, Butch Bouchard a ouvert un restaurant sur le boulevard de Maisonneuve en 1948. L’aventure a duré 32 ans.

«À sa façon, papa a été avant-gardiste, note Pierre Bouchard. Il s’est blessé sérieusement à un genou en 1948 et ça l’a incité à se lancer en affaires. Peut-être que ça ne faisait pas l’affaire des dirigeants du Canadien, mais il a tenu son bout. Il a vendu son auto, il a emprunté de l’argent et il a foncé.

«Si je me souviens bien, son plus gros salaire avec le Canadien a été de 15 000$. Une fois, il a fait la grève durant quelques heures avec Maurice Richard pour obtenir une augmentation de salaire de 500 dollars. Ils ont dû se battre avec Tom Gorman et avec le sénateur Donat Raymond avant d’obtenir gain de cause. Les joueurs étaient alors à la merci des propriétaires.

«Après sa dernière saison avec le Canadien, papa est allé voir Frank Selke pour obtenir son boni de 1000$. Ce dernier lui a répondu que l’équipe venait de connaître une excellente saison, mais pas lui! Mon père a donc quitté l’équipe en mauvais termes. Il est resté partisan du Canadien jusqu’à sa mort, mais il ne portait pas M. Selke dans son coeur».

LA DÉCHIRURE

En 1978, quelques mois après avoir perdu son fameux combat contre Stan Jonathan au Garden de Boston, Pierre Bouchard a été laissé sans protection par le Canadien et il a été réclamé par les Capitals de Washington où il a terminé sa carrière dans la LNH.

«J’ai failli être échangé aux Kings de Los Angeles en compagnie de Murray Wilson, mais ça n’a pas marché et j’ai finalement été réclamé par les Capitals, précise-t-il. Ce que je n’ai pas aimé dans cette histoire, c’est qu’on ait manqué de respect à mon endroit. Si on m’avait fait venir dans le bureau pour m’expliquer la situation, j’aurais compris. Il y a eu un gros manque de communications dans cette affaire».

Son père en a voulu à la direction du Canadien. Il y a même eu un froid entre lui et Jean Béliveau, alors vice-président du club. Toutefois, le temps arrange les choses et Butch a toujours eu le plus grand respect pour celui qui allait suivre ses traces dans le rôle de capitaine.

 

Talbot se souvient de Butch

Jean-Guy Talbot regardait la télévision dans sa résidence du Cap-de-la-Madeleine, près du fleuve Saint-Laurent, quand il a appris la mort de Butch Bouchard, samedi matin.

«Je perds un bon chum, dit l’ancien numéro 17. C’est moi qui ai pris la place de Butch durant la saison 1955-56. Il n’a joué que 12 parties cette année-là, mais Toe Blake l’a gardé dans l’équipe pour aider les recrues. Un jour, il m’a dit: «Le jeune, prends ma place. Je sais que tu vas réussir. J’ai finalement porté les couleurs du Canadien pendant 12 ans».

Jean-Guy Talbot

Jean-Guy Talbot doit une fière chandelle à Butch Bouchard.

Bouchard savait alors que sa carrière tirait à sa fin, mais il a accepté de rester pour aider Blake à remporter sa première coupe Stanley comme instructeur. Il a fait une présence sur la patinoire dans le dernier match de la série finale et cela lui a permis d’avoir son nom inscrit sur la coupe.

«Quand j’ai vu jouer Butch, il était en fin de carrière, ajoute Talbot. Il était droitier et il jouait à gauche en compagnie de Tom Johnson. Il n’était pas le meilleur patineur, mais il n’était pas facile à déjouer. Je me souviens aussi que les durs-à-cuire des autres équipes hésitaient à jeter les gants contre lui.

«Il en a fait beaucoup pour les Canadiens-Français à une époque où le Canadien n’hésitait pas à recruter ses joueurs dans la région de Régina».

Le professionnel de tennis Rolland Godin en est un autre qui a très bien connu Butch Bouchard. En apprenant son décès, il a déclaré: «Butch était un homme grand, mais il était surtout un grand homme».

 

 

 

 

Butch Bouchard: la mort d’un géant

Émile (Butch) Bouchard, qui vient de mourir à l’âge de 92 ans, a été un géant dans l’histoire du Canadien et un grand capitaine, mais aussi un homme d’affaires averti et un bon père de famille.

La première fois que je lui ai parlé, c’était sur l’avenue Collins à Miami. Je couvrais alors le camp d’entraînement des Expos et mon patron Jacques Beauchamp avait pris le temps de m’expliquer toute l’importance de cet homme, tant sur la patinoire que dans la vie de tous les jours.

Butch Bouchard

Butch Bouchard a été un grand capitaine et un précieux allié pour Maurice (Rocket) Richard.

Si vous avez vu le film sur la vie et la carrière de Maurice Richard, vous avez sans doute remarqué que Butch Bouchard était un leader naturel. Même s’il n’était pas le patineur le plus élégant, il était le général à la ligne bleue, toujours prêt à défendre un coéquipier s’il était mal pris. Il était aussi capable de grimper au deuxième étage du Forum et de négocier serré avec Frank Selke pour obtenir une augmentation de salaire.

Il était fier de ses origines et ne se gênait pas pour défendre la cause des Canadiens-Français à une époque où les dirigeants du Tricolore avaient un faible pour les joueurs de l’Ontario et de l’Ouest canadien.

Gordie Howe a dit de lui qu’il était la «pierre d’assise» du Canadien à la fin des années 1940 et au début des années 1950. Difficile de trouver plus beau compliment.

QUATRE COUPES STANLEY

Butch Bouchard a joué pour le Canadien pendant 15 ans et il a aidé son équipe à gagner quatre coupes Stanley (1944, 1946, 1953 et 1956). Il était fort comme un boeuf, solide au bout du poing, et il détestait la défaite. Avant l’arrivée de Red Kelly et de Doug Harvey, il a été élu trois fois dans la première équipe d’étoiles et une fois dans la deuxième. Ses efforts lui ont valu d’être élu au Panthéon du hockey en 1966 et son chandail a été hissé dans les hauteurs du Centre Bell lors des cérémonies entourant le centenaire du Canadien, 43 ans plus tard.

On se souvient aussi de lui pour son «steak house» à l’angle de la rue Saint-André et du boulevard de Maisonneuve. Son restaurant a longtemps été le rendez-vous des joueurs du Canadien. Dickie Moore disait récemment qu’il s’ennuyait de l’époque où ses coéquipiers et lui faisaient la fête chez Butch après un long voyage en train.

Émile Bouchard s’est aussi impliqué socialement. Il a été président des Royaux de Montréal et des Ducs de Longueuil en plus de s’impliquer personnellement dans la construction de l’Académie Roussin dans l’est de la métropole.

Il possédait une mémoire d’éléphant et il était un excellent raconteur. Chaque fois que je lui ai demandé des informations sur les Glorieux, il a été d’une grande générosité. Il possédait aussi un sens de l’humour qu’il n’a pas manqué de transmettre à ses enfants.

Un soir, à Chicago, il a passé deux fois le K.-O. à un certain John Mariucci. Après le match, Mariucci s’est rendu à l’hôtel du Canadien pour lui serrer la main et le féliciter de ses talents de pugiliste!

Jean Béliveau, considéré à juste titre comme le plus grand capitaine des Glorieux, a toujours dit qu’il s’était inspiré de Butch Bouchard pour établir le lien entre les joueurs et la direction de l’équipe.

Voilà. J’espère que ces quelques paragraphes dépeignent assez bien le personnage. Permettez-moi en terminant d’offrir mes plus sincères condoléances à sa tendre épouse, Marie-Claire, et à ses cinq enfants: Émile Jr., Jean, Michel, Pierre et Susan.