Souvenirs des séries: à l’enseigne des bons voyages!

Puisque mes plus vieux souvenirs de la coupe Stanley remontent à la fin des années 1950, ils sont évidemment en noir et blanc. Je me rappelle que le regretté Philippe Robert vantait les mérites du pétrole Esso entre les périodes en nous disant que nous étions à l’enseigne des bons voyages!

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À la fin des années 1950, les matchs du Canadien étaient présentés par la pétrolière Esso.

René Lecavalier décrivait le jeu avec son style très particulier et, si je me souviens bien, c’est Jean-Maurice Bailly agissait comme analyste quand on voulait bien lui laisser la parole.

Durant les entractes, on voyait apparaître Camil DesRoches, Charlie Mayer, Jacques Beauchamp, Butch Bouchard ou Émile Genest, tous membres à part entière de la Ligue du vieux poêle.

Évidemment, ils avaient tous un faible pour le Bleu Blanc Rouge!

Un soir, Doug Harvey a commis une bourde dans son territoire, ce qui ne lui arrivait que très rarement, et les Blackhawks en ont profité pour égaler la marque. En prolongation, le célèbre numéro 2 a décidé de corriger lui-même sa bévue. Il s’est emparé de la rondelle dans sa zone, a déjoué tout le monde sur son passage et s’est chargé d’inscrire le but de la victoire.

Je devais avoir huit ou neuf ans et je me souviens d’être allé me coucher le coeur léger.

Doug Harvey a été de loin le meilleur défenseur de son époque. Il a gagné sept trophées Norris entre 1955 et 1962, la dernière fois dans l’uniforme des Rangers de New York. Il était habile dans toutes les phases du jeu et il contrôlait à sa guise le tempo de la partie.

L’athète du quartier Notre-Dame-de-Grâce excellait aussi au baseball et au football. Il était un leader naturel, sur la patinoire comme dans le vestiaire. Il aurait dû terminer sa carrière avec le Bleu Blanc Rouge, mais Frank Selke l’a échangé aux Rangers pour le punir d’avoir fondé le syndicat des joueurs avec Ted Lindsay, Dollard Saint-Laurent et quelques autres.

Doug Harvey

Doug Harvey a été de loin le meilleur défenseur de son époque. Un leader sur la glace et dans le vestiaire.

Plus tard, Doug a traîné son baluchon dans plusieurs villes de la Ligue américaine. Il a notamment joué pour les As de Québec. En 1968, il était cantonné à Kansas City lorsque Scotty Bowman lui a lancé un S.O.S. pour aider la cause des Blues de Saint-Louis. À 44 ou 45 ans, il pouvait encore tenir son bout face aux meilleurs joueurs de la LNH.

Bowman a toujours parlé de Doug Harvey avec une grande admiration. Dans son livre, l’ex-défenseur du Canadien est dans la même classe qu’un certain Bobby Orr. Ça veut tout dire.

Des funérailles à la hauteur de Monsieur Émile

Émile (Butch) Bouchard, l’ancien «Roc de Gibraltar» du club de hockey Canadien, a eu droit à des funérailles émouvantes en la cathédrale de Longueuil par ce triste et pluvieux samedi d’avril.

Le comédien Gilles Pelletier, un ami de longue date de la famille, la petite Marie-France Bouchard, le cardinal Jean-Claude Turcotte et Jean Bouchard ont tour à tour rendu un vibrant hommage à l’ex-capitaine des Glorieux, décédé la semaine dernière à l’âge de 92 ans.

Butch Bouchard

Butch Bouchard a eu droit à des funérailles émouvantes en la cathédrale Notre-Dame-de-Padoue.

«J’ai connu Butch à son restaurant du boulevard de Maisonneuve, a rappelé Gilles Pelletier. J’aimais son calme, sa sérénité et son bon jugement. Le Canadien était d’autant plus cher à son coeur que son fils Pierre suivait ses traces sur la patinoire du Forum.

«Je me souviens de la Punch Line avec Maurice Richard, Elmer Lach et Toe Blake. Maurice qui marquait tous ces buts, Lach qui lui faisait de si belles passes et Blake qui se défonçait dans les coins de patinoire pour récupérer la rondelle. Je me rappelle aussi que Butch Bouchard était le joueur favori de mon père parce qu’il savait imposer le respect à ses coéquipiers autant qu’à ses adversaires.

«Par ses actions sur la patinoire, Émile donnait de l’énergie à son équipe. Il était le contraire d’un goon. Il voulait juste imposer le respect et il le faisait si bien. Puisque nous sommes réunis dans un temple chrétien, je lui dis adieu, mais aussi au revoir. Butch était un homme respecté et respectable».

MEILLEUR CAPITAINE

Prenant la parole au nom des petits-enfants, Marie-France Bouchard, la fille du vétérinaire Émile Bouchard, a déclaré: «Tout l’amour du monde passait par les grands yeux bleus de grand-papa. Il est resté le plus longtemps possible pour veiller sur nous. Il était notre Roc de Gibraltar. Il a été un géant et un super grand-papa».

«Butch Bouchard a su être un exemple à suivre sur la glace et à l’extérieur de la patinoire, a ajouté le cardinal Turcotte. Maurice Richard a dit de lui qu’il avait été son meilleur capitaine. Le Rocket n’était pas du genre à multiplier les louanges. Il parlait avec son coeur et il fallait que ce soit mérité.

«Émile Bouchard a joué à une époque où les joueurs formaient une grande famille. Il avait le CH estampé sur le coeur. Pourtant, il n’y avait pas que le sport dans sa vie. Il y avait aussi la famille et ses concitoyens. Il était un homme généreux et il savait ce qu’il devait faire pour aider sa communauté.

«Enfin, il était un enfant de Dieu. Il existe une autre vie qui durera toujours. Les temples de la renommée et les chandails retirés sont un indice que tout ne finit pas ici-bas. Butch Bouchard nous laisse un héritage de grande humilité. Que Dieu l’accueille dans son paradis».

Pour ce qui est de Jean Bouchard, qui a lutté si fort pour le retrait du chandail de son papa, il a déclaré en gros: «Il y a plus de 75 ans, un apprenti apiculteur est venu s’installer à Longueuil. Les abeilles lui ont enseigné à rester calme sous la pression. Durant les dernières années, nous l’avons vu vieillir et perdre ses amis. Samedi dernier, quand sa main a quitté la mienne, je n’ai pas senti la tristesse, mais la paix et la liberté. Voilà l’ultime témoignage de mon père».

PLUSIEURS ANCIENS JOUEURS

Tel que prévu, plusieurs anciens joueurs du Canadien ont tenu à dire adieu à l’ancien numéro 3. Chez les plus âgés, on a reconnu les Dickie Moore Henri Richard, Dollard Saint-Laurent, Jean-Guy Talbot, Phil Goyette, Noël Picard, Bob Fillion et Gerry Plamondon.

Il y avait aussi Serge Savard, Yvan Cournoyer, Réjean Houle, Yvon Lambert, Gilbert Delorme et Stéphane Quintal, de même que Geoff et Andrew Molson, Pierre Boivin, Mathieu Darche, François-Xavier Seigneur, Donald Beauchamp et Dominic Saillant.

Karina Gauvin, chanteuse de réputation internationale, a participé de façon éclatante à la cérémonie religieuse.

Nos Glorieux s’envolent un à la fois, mais leurs exploits sont inscrits dans nos coeurs et dans nos mémoires. Comme l’a si bien dit un partisan de l’équipe en s’approchant de Geoff Molson: «Je suis partisan du Canadien depuis 1950 et je m’ennuie de ces équipes qui nous ont fait tellement honneur. M. Molson, je vous souhaite de trouver un directeur général capable de relancer l’équipe vers de nouveaux sommets. On s’ennuie des vrais Canadiens».

N.B. Tous les échos dans une prochaine chronique.

 

Butch et le Rocket se sont battus pour 500$

«La mort de papa n’est pas une grande surprise. Toutefois, il n’est pas mort à la suite d’une longue maladie comme on l’a laissé entendre. Je dirai plutôt qu’il est mort à la suite d’une très longue vie», déclarait Pierre Bouchard, quelques heures après le décès de son père.

«Il s’est cassé une hanche il y a trois ans et il avait besoin de soins particuliers. Il vivait donc seul dans une résidence pour personnes âgées sur la Rive-Sud, mais il a été conscient jusqu’à la fin. Il regardait la télévision et lisait ses journaux pour avoir toutes les nouvelles».

Pierre et Butch Bouchard

Pierre Bouchard en compagnie de son illustre papa. Ils ont tous les deux porté fièrement les couleurs du Canadien. Ensemble, ils ont gagné neuf coupes Stanley.

Émile «Butch» Bouchard était le plus vieux capitaine du Canadien encore vivant. Des joueurs de son époque, il ne reste plus qu’Elmer Lach, fêté en même temps que lui lors des cérémonies du 100e anniversaire, et Bob Fillion, un ancien ailier droit qui fréquente souvent le salon des Anciens Canadiens.

On pense aussi à  Milt Schmidt, un ancien joueur étoile des Bruins qui vit toujours dans la région de Boston.

LES ÉTUDES D’ABORD

Pierre Bouchard a vu jouer son célèbre papa au début des années 1950, mais il était alors trop jeune pour s’en rappeler.

«J’allais souvent dans le vestiaire avec lui, précise-t-il. Tous les joueurs du Canadien étaient mes idoles, même Callum McKay! C’est évident que papa a été pour moi une source d’inspiration même s’il ne m’a jamais poussé à devenir joueur de hockey.

«Il insistait beaucoup sur les études, sans doute parce qu’il n’avait pas eu la chance de fréquenter l’école très longtemps. C’est ainsi que je me suis retrouvé au Collège Laval où j’ai commencé à jouer au hockey sous les ordres de Roland Bleau. Nous avions une très bonne équipe junior B. Tellement que quatre de nos joueurs (Marc Tardif, Pierre Jarry, Jean-Guy Lagacé et moi-même) ont fini par jouer dans la Ligue nationale».

Gros Pierre a ensuite porté les couleurs du National Junior et il a joué pour le Canadien Junior pendant deux ans avant d’être réclamé par le grand club. Il a plus tard connu une belle carrière avec le Tricolore et il a participé à cinq conquêtes de la coupe Stanley sous la gouverne d’Al MacNeil et de l’unique William (Scotty) Bowman.

LA GRÈVE AVEC LE ROCKET

Parfaitement conscient du fait que le hockey était un business et qu’il devait préparer son après-carrière, Butch Bouchard a ouvert un restaurant sur le boulevard de Maisonneuve en 1948. L’aventure a duré 32 ans.

«À sa façon, papa a été avant-gardiste, note Pierre Bouchard. Il s’est blessé sérieusement à un genou en 1948 et ça l’a incité à se lancer en affaires. Peut-être que ça ne faisait pas l’affaire des dirigeants du Canadien, mais il a tenu son bout. Il a vendu son auto, il a emprunté de l’argent et il a foncé.

«Si je me souviens bien, son plus gros salaire avec le Canadien a été de 15 000$. Une fois, il a fait la grève durant quelques heures avec Maurice Richard pour obtenir une augmentation de salaire de 500 dollars. Ils ont dû se battre avec Tom Gorman et avec le sénateur Donat Raymond avant d’obtenir gain de cause. Les joueurs étaient alors à la merci des propriétaires.

«Après sa dernière saison avec le Canadien, papa est allé voir Frank Selke pour obtenir son boni de 1000$. Ce dernier lui a répondu que l’équipe venait de connaître une excellente saison, mais pas lui! Mon père a donc quitté l’équipe en mauvais termes. Il est resté partisan du Canadien jusqu’à sa mort, mais il ne portait pas M. Selke dans son coeur».

LA DÉCHIRURE

En 1978, quelques mois après avoir perdu son fameux combat contre Stan Jonathan au Garden de Boston, Pierre Bouchard a été laissé sans protection par le Canadien et il a été réclamé par les Capitals de Washington où il a terminé sa carrière dans la LNH.

«J’ai failli être échangé aux Kings de Los Angeles en compagnie de Murray Wilson, mais ça n’a pas marché et j’ai finalement été réclamé par les Capitals, précise-t-il. Ce que je n’ai pas aimé dans cette histoire, c’est qu’on ait manqué de respect à mon endroit. Si on m’avait fait venir dans le bureau pour m’expliquer la situation, j’aurais compris. Il y a eu un gros manque de communications dans cette affaire».

Son père en a voulu à la direction du Canadien. Il y a même eu un froid entre lui et Jean Béliveau, alors vice-président du club. Toutefois, le temps arrange les choses et Butch a toujours eu le plus grand respect pour celui qui allait suivre ses traces dans le rôle de capitaine.

 

Talbot se souvient de Butch

Jean-Guy Talbot regardait la télévision dans sa résidence du Cap-de-la-Madeleine, près du fleuve Saint-Laurent, quand il a appris la mort de Butch Bouchard, samedi matin.

«Je perds un bon chum, dit l’ancien numéro 17. C’est moi qui ai pris la place de Butch durant la saison 1955-56. Il n’a joué que 12 parties cette année-là, mais Toe Blake l’a gardé dans l’équipe pour aider les recrues. Un jour, il m’a dit: «Le jeune, prends ma place. Je sais que tu vas réussir. J’ai finalement porté les couleurs du Canadien pendant 12 ans».

Jean-Guy Talbot

Jean-Guy Talbot doit une fière chandelle à Butch Bouchard.

Bouchard savait alors que sa carrière tirait à sa fin, mais il a accepté de rester pour aider Blake à remporter sa première coupe Stanley comme instructeur. Il a fait une présence sur la patinoire dans le dernier match de la série finale et cela lui a permis d’avoir son nom inscrit sur la coupe.

«Quand j’ai vu jouer Butch, il était en fin de carrière, ajoute Talbot. Il était droitier et il jouait à gauche en compagnie de Tom Johnson. Il n’était pas le meilleur patineur, mais il n’était pas facile à déjouer. Je me souviens aussi que les durs-à-cuire des autres équipes hésitaient à jeter les gants contre lui.

«Il en a fait beaucoup pour les Canadiens-Français à une époque où le Canadien n’hésitait pas à recruter ses joueurs dans la région de Régina».

Le professionnel de tennis Rolland Godin en est un autre qui a très bien connu Butch Bouchard. En apprenant son décès, il a déclaré: «Butch était un homme grand, mais il était surtout un grand homme».